Côte Basque Madame N°27
Photos : Ma Cave à Vin
16 février 2021
Avoir sa propre cave à vin – L’interview d’un sommelier
Propos recueillis par Emmanuel Pascual
Notre expert Vin, Samuel Ingelaere, propose depuis 2008 - et la création d’Ediswine - des conseils œnologiques haute-couture. De l’audit de votre cave à vin à des initiations et dégustations, il met au service des amateurs éclairés et les profanes, toute son expertise et son expérience acquises depuis plusieurs années au sein des plus grandes tables de France en tant que sommelier. Il reçut d’ailleurs la distinction de Meilleur Sommelier de France en 2005 par le célèbre guide Gault & Millau.
En premier lieu Samuel, peux-tu nous dire
quels sont les trois mots que tu associes au vin ?
Je dirai plaisir, partage et culture. Pour développer un peu, on peut évoquer le voyage que procure une dégustation de vin, le travail de tous les intervenants qui donnent ce vin. Quand on s’intéresse au vin, on se crée sa propre route. Ce que je dis aux amateurs qui viennent me voir, c’est de trouver son propre fil conducteur pour savoir comment s’orienter dans la recherche du plaisir que peut provoquer un vin. Je teste avec eux différentes appellations dans un premier temps, et selon leurs préférences, j’appuie dans ce sens.
Faut-il, pour accomplir cette quête, tout savoir sur le vin ?
Il est nécessaire d’avoir quelques bases : les différentes régions viticoles, les cépages, les appellations et quelques domaines qui en sont les portes-étendards.
Dès lors que l’on a cette connaissance, il faut se créer sa propre méthodologie dans la dégustation en cherchant à atteindre le Graal des grands vins ; ceux qui ont la parfaite adéquation entre l’équilibre de toutes les saveurs, l’identité du terroir et le style du vigneron. On peut citer en exemple, les Côte-Rôtie de Jean-Paul Jamet, le maître absolu des vinifications en vendanges entières sur le cépage syrah, d’une complexité incroyable entre la combinaison des différents terroirs et de la vinification en barriques de plusieurs années. Le Châteauneuf du Pape d’Emmanuel Reynaud, Château Rayas, d’une suavité et d’une profondeur extraordinaire sur un terroir de sable unique.
(Les vins du domaine de la Romanée Conti, avec le marqueur aromatique de roses fanées, de cassissier et de ronce, d’un touché de bouche végétal unique. Les Bourgognes blancs de Vincent Dancer, d’une expression vivante et d’une évolution dans le verre de chaque instant et d’une dimension bluffante où toute l’expression du chardonnay nous emporte sur des équilibres sphériques et des sensations en bouche de grande classe.) Ces vins mythiques que beaucoup d’amateurs souhaitent goûter, et qui demandent une certaine éducation préalable du nez, du palais pour être pleinement appréciés. La palette aromatique des vins est très étendue, et comme les sensations olfactives sont subjectives, il est important de faire cet apprentissage pour ressentir toutes les nuances dues au millésime, au climat, au terroir.
Maintenant que l’on possède les bases et son propre chemin vers le Graal, quels conseils donnes-tu pour créer sa cave personnelle ?
Je déterminerais deux catégories principales : les vins prêts à boire maintenant et les vins un peu plus complexes avec de la profondeur qu’il faut garder.
Outre les différentes couleurs des vins, il est aussi important de se créer des casiers en fonction des accords mets et vins -Samuel est notamment notre sommelier qui choisit les accords de vins pour notre Match des Chefs – ; ranger pour les plats de viandes, de poissons, les fromages, les desserts. Ne pas se retrouver démuni si lors d’un dîner chez soi, un invité amène un dessert tout chocolat par exemple. C’est toujours très agréable et bluffant pour ses invités d’être capable de proposer le bel accord entre l’assiette et le verre.
Auprès de qui se référer et prendre conseil ? Les guides, les amis, les cavistes, les notes et médailles ?
Plus que les guides, je dirais certains magazines comme La Revue du Vin de France. Le caviste doit être un accompagnateur, il doit prendre en compte les goûts, les envies et l’expérience de l’amateur. C’est avec lui que doit se crée un échange et une vraie écoute mutuelle pour que le choix qu’il va adopter soit le plus juste possible. C’est bien de faire confiance à plusieurs cavistes aussi. Cela permet d’élargir son horizon de dégustation car ils ont eux aussi leur sensibilité à faire découvrir.
Revenons à la cave pour voir avec toi les éléments essentiels à la bonne conservation du vin. Et quels risques prend on à ne pas bien conserver son vin ?
Soit on a la chance d’avoir dans sa maison une cave naturelle avec une bonne ventilation, une hygrométrie de 70% et une température stable entre 14 et 16°, soit il faut investir dans une armoire à vins qui va contrôler parfaitement ces paramètres pour sa cave de vieillissement.
Le risque si l’hygrométrie n’est pas adéquate est d’avoir des bouchons qui sèchent et créent des infiltrations dans lesquelles le vin passe puis coule dans la capsule et finit par se dégrader.
Si la température est trop chaude, la maturité des vins est accentuée, ce qui donne un vieillissement prématuré. Si elle est trop froide, elle bloque l’évolution naturelle du vin.
Il existe également les caves de service dans lesquelles on retrouve trois températures bien spécifiques ; le module du bas entre 8 et 10° pour les champagnes et les vins blancs, celui du milieu entre 14 et 16° et un plus haut entre 18 et 20° pour les différents vins rouges. Il vaut toujours mieux sortir un vin un peu plus frais pour avoir le plaisir du fruit, car en se réchauffant et après une température de 22°C, apparaît la colonne vertébrale du vin entre la richesse alcoolique, les tannins, les amers et les acides.
Merci Samuel pour ces conseils avisés, et pour clore cet entretien, j’aimerais que tu nous dises les 7 vins que tu as toujours dans ta cave.
Alors, en Champagne, l’Extra-Brut « Le Mont Benoit » d’Emmanuel Brochet.
En vins blancs, un Bourgogne Côte d’Auxerre « Corps de Garde » de Jean-Hugues Goisot 2018 et un Saumur « Clos de Guichaux » Domaine Romain Guiberteau 2018.
Pour les rouges, un Bourgogne Pinot Noir Domaine Jean-Marie Fourrier 2017, un Côtes-du-Rhône Vieilles Vignes Domaine Santa Duc 2017 et un Languedoc « Campredon » Domaine Alain Chabanon 2018.
Et en vin doux naturel, un Maury, « Les Terres de Fagayra » Domaine Roc des Anges 2017
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