C’est effectivement une presque banale histoire de pigeons qu’a imaginée là notre Michel Leeb national, inimitable imitateur de feu Jerry Lewis et sa célèbre « Machine à écrire » dans les années soixante-dix. Pourquoi, presque banale, allez-vous me faire remarquer ? Eh bien, parce que sous ses airs de comédie tout à fait traditionnelle, elle vire carrément en une surprenante mise en abyme surréaliste, au fil de ses péripéties.
Les pigeons en question, bien que haut perchés à leur façon, sont ici deux touchants acteurs ratés, Serge et Bernard, qui ne volent pas vraiment très haut dans la réussite de leur métier. Tous deux se retrouvent à un casting de film pour le même rôle.
Avec cette toute première écriture théâtrale qu’il interprète également, Leeb se compose avec malice un personnage grande gueule, riche en couleurs, bien macho et cabotin au côté de l’inénarrable Francis Huster qui lui, joue ici avec un naturel déconcertant le rôle d’un comédien discret, sentimental et plein d’humilité. Bref, l’opposé total de son collègue.
C’est alors qu’une femme (Chloé Lambert), et un autre personnage (Philippe Vieux) vont débarquer et tout chambouler. Un vrai coup de théâtre bien mijoté fait habilement virer l’esprit léger « boulevardesque » de la pièce, en une jolie et profonde réflexion dans laquelle le théâtre lui-même et ce qu’il représente prennent le pouvoir.
Comme le dit Francis Huster, la pièce de Michel Leeb est une véritable comédie à l’italienne. Éclats de rire, bouffonnerie, gueulantes, émotion et états d’âme s’y croisent avec bonheur et aplomb.
Quand on aime s’abandonner au théâtre, on aime ses coulisses, ses dessous, ses échanges passionnés, ses excès, ses rebondissements, ses invraisemblances aussi, ses leurres, ses dérives, ses fragilités et ses touchants ressentis.
Avec ces grands pigeons-là et leurs kilomètres de comédie au compteur, on ne peut donc que se laisser porter sans prise de tête, par la juste et lucide autodérision qu’ils suscitent au travers de cet espiègle et pur divertissement vivant. Jean-Louis Benoit en signe la mise en scène.
Bravo les artistes.