Côte Basque Madame N°39
© Sébastien Minvielle
Tatto
22 mars 2024
Jeykill, le fondateur de l’atelier Bleu Noir
Par Charlotte Médot
Autrefois cantonné à de multiples stéréotypes, le tatouage est désormais reconnu à sa juste valeur. Une forme d’expression qui permet à chacun de dévoiler une facette de sa personnalité, de se sublimer ou de se révéler. Rencontre avec trois artistes qui représentent l’éclectisme de la scène tattoo de la Côte basque.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous orienter vers le monde du tatouage ?
Jeykill : Après ma formation de graphiste, j’ai rapidement collaboré avec le collectif 9e Concept et à force de baigner dans cet univers, je me suis naturellement tourné vers le tatouage. Puis, c’est en 2010 que j’ai ouvert le premier salon Bleu Noir à Paris et le deuxième, à Biarritz, en 2016.
Parlez-nous un peu de votre style, qu’est-ce qui vous inspire ?
J : C’est vraiment difficile de tout citer ! Il y a des influences ethniques qui viennent du dessin tribal de la culture aztèque, polynésienne ou encore amazighe. Je suis aussi très proche du street art, notamment du graffiti que j’ai pratiqué plus jeune. Mon style est donc assez particulier, car j’ai réussi à utiliser tous ces codes et à les mélanger pour créer une unicité.
Et votre mode de vie dans le Sud-Ouest a-t-il un impact sur votre travail ?
J : Oui, le fait que je surfe et que je sois très souvent en contact avec l’océan influence beaucoup mes propositions. J’y inclus aussi des éléments en lien avec la plage ou les couchers de soleil. Je suis vraiment imprégné par cet environnement.
D’ailleurs, ici, vous avez l’habitude de collaborer avec beaucoup de tatoueurs et tatoueuses. Comment définiriez-vous la scène du tatouage au Pays basque ?
J :Tout s’est récemment bousculé, car on vit quand même dans une zone très attrayante et beaucoup de jeunes tatoueurs sont venus profiter de cette qualité de vie. La scène est désormais importante et variée. On retrouve tous les styles et tous les niveaux, mais surtout des artistes de qualité.
Bleu Noir
4, avenue Voltaire à Biarritz
Margot, la tatoueuse derrière Le Poulpe à Fleurs
Réputée pour son tracé fin ainsi que son univers où se mêlent silhouettes, jolies fleurs et petits animaux, l’artiste était destinée à maîtriser les aiguilles. Après des études en communication visuelle, elle décide de s’orienter vers la maroquinerie pour enfin laisser parler sa créativité. « Jʼai adoré, mais la réalité du monde du travail m’a vite fait déchanter.
Jʼai donc créé ma marque dʼillustrations, Urrezko Biarritz, pour laquelle je dessinais les lieux emblématiques de la Côte basque. Puis, à 30 ans, j’ai décidé de me faire tatouer et ça a été le coup de cœur », confie-t-elle. Après plusieurs années de formation et de pratique, elle est désormais résidente du salon L’Antichambre, à Anglet.
Un espace où elle se démarque grâce à son style minimaliste et ludique, mais aussi ses partenariats avec plusieurs illustrateurs comme le Brésilien Augusto BM ou Jüne Plã, également créatrice du compte
Instagram Jouissance Club et autrice du livre du même nom. Le symbole marquant de la connexion entre l’univers du dessin et du tatouage. D’ailleurs, ce secteur ne cesse d’évoluer avec son temps en adoptant, entre autres, de bons réflexes qui respectent l’environnement.
Une démarche écoresponsable revendiquée par Le Poulpe à Fleurs. « Quand j’ai commencé, j’ai eu le bonheur de découvrir que le milieu se sentait très concerné par ces problématiques. Maintenant, il est possible d’utiliser des produits vegan ou des équipements en matières naturelles recyclables.
Malheureusement, cela a ses limites… Quand nous tatouons, la plupart des produits utilisés sont à usage unique et produisent des déchets… Mais je suis très sensible à cette cause, donc j’essaie de faire au mieux. »
Little Mony, la sœur qui sublime les corps
Passionnée de dessin depuis toujours, l’artiste doit son envie de s’orienter vers ce monde intrigant aux œuvres présentes sur la peau de célébrités, comme Dennis Rodman, Lenny Kravitz ou encore les membres du groupe TLC.
Depuis près de dix ans, elle propose des créations de style ornemental influencées par les fleurs, la dentelle, les tissus traditionnels ou même les monuments religieux.
Un talent qu’elle met aussi au service de la bonne cause en collaborant avec l’association Sœurs d’Encre, spécialisée dans le tatouage de reconstruction. « Son but est donc de redonner confiance aux femmes suite à
un cancer du sein », précise-t-elle. Une démarche pleine de sens qui apporte une dimension thérapeutique à cette forme d’expression.
Elle ajoute : « Une fois tatouées, elles semblent avoir un autre regard sur leur corps. C’est comme un regain de confiance en soi, comme si elles s’étaient retrouvées. C’est très difficile à expliquer, je pense que c’est ce qu’on appelle la magie du tatouage, celui qui soigne l’esprit. »
Un moment privilégié qui fait du métier de Little Mony un art intime et de partage. « La personne nous confie son corps et garde une partie de nous à vie. »
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