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©Manuel Moutier

Sortie de film

FILM : “Emmanuelle”, le corps comme sujet de désir

Propos recueillis par Julien Pelletier

Dans le cadre du 11ème Festival International du Film de Saint-Jean-de-Luz, la réalisatrice Audrey Diwan et l'actrice Noémie Merlant sont venues présenter leur film événement : Emmanuelle. Rencontre exclusive, tout en douceur, sur la terrasse de l’hôtel La Réserve.

“Emmanuelle est en quête d’un plaisir perdu. Elle s’envole seule à Hong Kong, pour un voyage professionnel. Dans cette ville-monde sensuelle, elle multiplie les expériences et fait la rencontre de Kei, un homme qui ne cesse de lui échapper.” Ça, c’est le pitch du film. Loin de se résumer à ces quelques phrases, ce long-métrage érotique suscite un questionnement aussi intime qu’universel.

Il y a 50 ans, le film Emmanuelle avait marqué au fer rouge toute une génération. En 2024, vous vous êtes attelée à une nouvelle adaptation de ce roman culte. Une vision ouvertement féministe ?

Audrey Diwan : L’enjeu principal est de voir comment on peut dépeindre le désir féminin en ne considérant pas qu’il concerne uniquement les femmes ? Est-ce que les hommes peuvent se mettre à la place d’Emmanuelle ? Le plaisir est souvent représenté de façon stéréotypée, avec des images de femmes dont le rôle est de jouir, de valider la performance de l’homme. Je dirais qu’il y a, chez nous, une sorte d’égalité entre les sexes dans la manière de se comporter, d’aborder, de s’autoriser.

Le film se déroule dans un hôtel, allégorie de ce que ressent Emmanuelle à l’intérieur d’elle-même. Une sorte de miroir ?

Audrey Diwan : effectivement, le décor de l’hôtel n’est pas anodin. Il y a d’une part ce qu’on montre aux clients et d’autre part ce qui se passe en coulisse. Pour préparer ce film, j’ai été dans plusieurs grands hôtels, sous lesquels se cache un village tant il y a de métiers différents. En haut et en bas, ce ne sont pas les mêmes corps, pas les mêmes sons, comme si deux mondes cohabitaient sans se voir. Emmanuelle doit passer par cette interrogation, de savoir auquel des deux mondes elle appartient : celui où elle s’est hissé ou celui d’où elle vient. 

Ce n’est pas la nudité le problème, c’est le regard qu’on pose dessus. En tant qu’actrice, mon corps est ma matière première.” Noémie Merlant

Noémie, était-ce une prise de risque importante d’être mise à nue devant une caméra ?

Noémie Merlant : Pas tant que ça car je suis mise à nue par Audrey en qui j’ai entièrement confiance. Je ne suis pas pudique à partir du moment où il y a un environnement sain, respectueux et des idées. J’ai vraiment eu envie de partir à l’exploration du plaisir féminin. Comment montrer le désir… Ce n’est pas la nudité le problème, c’est le regard qu’on pose dessus. En tant qu’actrice, mon corps est ma matière première. Au même titre que la voix et le regard, un corps raconte énormément de choses dans sa manière de bouger, dans ses plis, ses cicatrices, la texture de la peau. Je pense qu’on ne l’utilise pas assez. 

Est-ce que ce film a réveillé des choses en vous ?

Noémie Merlant : Complètement. Dès la lecture du scénario, je me suis connectée à Emmanuelle, elle qui ne prenait pas de plaisir. C’est quelque chose que je vivais, je n’avais pas de plaisir, j’étais déconnectée de mon corps, comme s’il n’avait été là que pour satisfaire l’autre. En commençant ce film, j’ai eu l’impression d’être une exploratrice. J’ai adoré le voyage et j’ai l’impression de le continuer dans la vraie vie, donc j’adore.

Audrey Diwan : Moi j’ai ressenti ça très fort d’un point de vue professionnel. Avec Laurent Tanguy, le chef opérateur, on avait particulièrement préparé le film, on l’avait prédécoupé de façon presque volontairement rigide. Or, plus on avance dans le film, plus la caméra et moi, avons lâché prise. A un moment donné, on s’est dit qu’il fallait s’appuyer sur des idées et non sur un plan précisément édicté d’avance. Cette liberté m’a fait du bien.

EMMANUELLE d'audrey diwan
en salle depuis le 25 SEPTEMBRE 2025

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