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Côte Basque Madame N°43

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Ceci n’est pas une photo ! L’ultraréalisme de Jessica Subbiaghi et XabXab

Par Christine Vignau Balency

Même de près, on est bluffés ! Comment peut-on réussir à reproduire si fidèlement le grain d’une peau mature, des pupilles expressives, la surface de la langue, le relief d’une main, la finesse d’une dentelle ? Réponses croisées entre deux Bayonnais hypertalentueux : Jessica Subbiaghi et Xabi Tapia dit XabXab.

Elle, dessine aux crayons graphite sur des petits formats, lui, s’exprime sur du bois ou des murs, au stylo Bic noir ou à la peinture acrylique. Leur point commun ? Ils reproduisent des visages en noir et blanc de façon incroyablement réaliste. Pour autant, leurs histoires sont très différentes. Jessica dessine depuis l’enfance, a suivi des cours à l’adolescence et a toujours préféré le réalisme : « Quand j’ai vu les œuvres de Kelvin Okafor, ça a été le déclic et je m’y suis mise sérieusement. » Comment choisit-elle ses modèles ? « C’est la finesse d’un portrait qui m’interpelle, que je le voie sur une photo, dans une publicité ou sur internet. Pour que j’aie envie de le reproduire, il faut aussi qu’il y ait un défi technique : un regard particulier, de la dentelle, de la fumée, des cheveux mouillés, etc. » XabXab, lui, était ingénieur du BTP à Paris avant de revenir au Pays basque : « Quand j’ai repris le dessin, je ne voulais pas utiliser le papier comme support, je me suis alors orienté vers le bois, et j’ai démarré au stylo, en faisant des points comme un tatouage. » Il dessine alors des portraits de sans domicile fixe, fasciné par leurs peaux burinées et contrastées, des visages sur des skates, des bouches d’enfants qui tirent la langue sur des murs de Bayonne ou Socoa, etc. « En ce moment, j’essaye au contraire de réaliser des scènes plus larges, en m’inspirant des travaux de street artistes catalans ou espagnols comme Sebas Velasco. »

Deux techniques totalement différentes

Règle n° 1 : l’observation ! Pour élaborer un visage réaliste, Jessica commence par mettre en place le dessin puis à travailler le contraste. « Je commence par l’œil et j’agrandis la zone petit à petit. Pour cela il faut différents crayons, différentes gommes, de la patience et surtout beaucoup d’observation. C’est essentiel. Je peux passer jusqu’à quinze heures pour faire un œil parfait, pour avoir les cils qu’il faut, le contraste qui va rendre bien. » Il faut entre quatre-vingts et cent heures à Jessica pour finaliser un tableau. « Mais ça passe vite, assure-t-elle, on a toujours quelque chose à faire ou à améliorer, le plus dur est peut-être de s’arrêter. On pourrait y passer trois ans, mais il faut savoir passer à autre chose ! », admet-elle en riant. « Pour ce même genre de portrait et de format, ma technique est très différente, intervient Xabi. Je travaille toute la zone, du plus foncé au plus clair, comme un effet pochoir en noir et blanc. Je remplis d’abord tout le noir, puis les parties claires en faisant des points avec mon stylo : moins c’est dense, plus c’est clair. Pas le droit à l’erreur. »

Mon œuvre préférée, c’est celle-là !

Dans son atelier où elle donne des cours de dessin, Jessica a accroché ses œuvres. Tour à tour défilent Vincent Cassel, un lion, une femme qui se pince la bouche, un vieil homme qui fume, une main pleine de sable, une femme derrière une paroi de douche, une lampe à huile… Mais sa préférée, c’est cette jeune fille au regard doux, le visage mouillé, une mèche de cheveux collée sur la joue : « J’avais l’image depuis des années, j’ai essayé plusieurs fois de la dessiner, j’ai jeté plusieurs essais à la poubelle… J’attendais d’avoir le niveau, et, enfin, aujourd’hui, je suis vraiment fière du résultat. » Prochain challenge pour Jessica : partir de ses propres photos et les reproduire sur de plus grands formats. Elle expose en décembre et janvier à Txalaparta à Bayonne et cherche d’autres galeries pour 2025. À bon entendeur.

Xabi, lui, nous entraîne dans le quartier Saint-Léon, celui où a grandi sa mère et où vit sa tante, responsable du monastère du Carmel. C’est là, sur un fronton, qu’il a réalisé il y a deux ans une peinture murale tout simplement intitulée Ama. « C’est un portrait fait à partir d’une photo prise à la volée lors d’un repas de famille, ma mère regardait parler ma sœur, et quelque chose m’a frappé dans son regard. » Effectivement, de cette grande fresque se dégage une émotion universelle et énigmatique à la fois. Un mélange de fragilité, d’assurance, de bienveillance, de tendresse… Un regard de mère assurément. « Ce qui me touche, c’est que cette peinture n’a pas été recouverte, elle est dans la rue, or la rue appartient à tout le monde. » Prochain projet pour XabXab : « poser » quelque chose de grand, sur des blocs en béton, autour du fort de Socoa… À suivre !

Cours de dessin enfants et adultes au forum 10, place André-Emlinger à Bayonne

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