Actus Bien-Être

Côte Basque Madame n°43

Témoignage société

LE JOUR Où… j’ai opéré un changement d’identité de genre123

Par Patricia Perelló

Côte Basque Madame vous donne la parole. Oui, vous, lectrices. Chaque trimestre, vous pourrez y livrer votre expérience à cœur ouvert ( et même anonymement si vous préférez) " sur le jour où…."

Témoignage d’Alice “ Un corps qui, enfin, est aligné avec qui je suis ”

J’ai compris le sens du mot transgenre à 15 ans, mais j’ai pris conscience de ma différence à 4 ans. Une jeune femme de mon entourage m’avait offert une moto en plastique, et je me rappelle m’être sentie humiliée et horriblement en colère qu’elle m’offre un jouet de garçon. Depuis ce jour, j’ai ressenti cette même humiliation chaque fois qu’on me rappelait que j’étais un petit garçon ou que j’allais devenir un homme. Et les souvenirs sont nombreux ! Pour l’anecdote, je me rappelle qu’en primaire, les instits avaient l’habitude de faire jouer les filles contre les garçons pendant les temps sportifs. Et mon jeu préféré était le ballon-prisonnier, parce que si le ballon nous touchait, on partait dans le camp adverse !

L’école a été difficile sur ce point, car les filles et les garçons aiment se séparer et rivaliser. Je ne me sentais bien que dans des groupes mixtes. L’arrivée au collège a été une catastrophe. Quand je me suis rendu compte que des garçons à peine plus âgés commençaient à muer et à se couvrir d’une moustache, j’ai compris que je serais incapable de le supporter. Je ne pouvais pas me projeter au-delà de quelques mois, et encore moins m’imaginer adulte. Comme si, à partir de la puberté, tout allait s’arrêter. Les années ont passé et heureusement la mue n’est jamais arrivée. Le harcèlement était très présent aussi, malgré mes efforts de paraître la moins féminine possible, mais mon ambiguïté était perçue par les autres enfants.

Après plusieurs années d’incompréhension et de moments plus ou moins agréables, ma thérapeute, que je ne remercierai jamais assez, a évoqué le sujet de mon genre. Et l’évidence a été immédiate ! Si je n’avais jamais pu être un garçon, ou supporter une puberté masculine, c’était peut-être parce que je n’en étais pas un ! J’ai commencé à chercher des spécialistes alors que j’étais mineure, et à l’époque j’habitais Bordeaux. En un an, j’ai enchaîné cinq psychiatres, dont trois particulièrement maltraitants, à notre égard ma mère et moi. La seule solution a été d’entamer un suivi à Paris dans l’un des seuls services spécialisés de France à l’époque (2016).

Huit ans plus tard, je n’en reviens pas de tout le chemin parcouru. Par moi certes, mais aussi par ma famille qui m’a très largement soutenue dans ma transition. Mes proches ont été incroyables, particulièrement ma mère et ma grand-mère. Malgré tout, j’ai vite compris qu’il faudrait que je me blinde face à certains discours haineux, et à quel point l’Administration peut être encore arriérée. À mes 18 ans, j’ai contacté la banque de préservation des gamètes, en vue d’une opération de réassignation sexuelle qui me rendrait stérile. La dame au téléphone m’a répondu sèchement : « Les trans, ça, on fait pas. » Je me suis résignée ce jour-là à ne jamais avoir d’enfants biologiques.

Avec le plus gros de la transition désormais derrière moi, je découvre le naturel de vivre ! Pouvoir marcher avec confiance, me baigner en public, commencer un sport, et m’approprier petit à petit ce corps qui enfin est aligné avec qui je suis est un sentiment de libération à chaque instant.

Témoignage de Léo “ Chaque “elle” m’empêchait de voler”

En novembre 2021, je découvre Paul B. Preciado lors de la lecture théâtrale de ses textes.

J’écoute, je suis saisi, je m’effondre. J’ai 42 ans, je comprends que je souffre depuis l’enfance de dysphorie de genre. Le placard de ma réalité s’est ouvert. Le choc fut très violent. Imaginez un flocon de neige, léger, doux comme du coton, se transformer en avalanche en quelques minutes. Tout mon être intérieur fut disloqué, éparpillé aux quatre coins de ce corps que je n’ai jamais compris, jamais fait mien, jamais assumé.

Cette souffrance dont l’origine est inconnue me fait mal et m’isole. Je comprends que je suis condamné à être identifié à vie à un genre qui n’est pas celui que je ressens au plus profond de moi. D’un naturel social, je vais m’isoler par crainte des bonjours qui seront suivis de « madame ». Car oui, chaque « madame » entendu est une balle qui m’abat. Chaque « elle » m’empêche de voler.

Alors, comment faire pour continuer à avancer maintenant que l’évidence s’impose ? Moi aussi, je suis un homme coincé dans un corps de femme. Jusqu’à ce jour, jusqu’à ce que physiquement j’implose, j’avais reçu des alertes que j’avais ignorées. Je m’étais convaincu que j’allais m’en sortir autrement, que ça allait passer, car c’était ainsi depuis mon enfance : ces périodes de mal-être invisible finissaient par passer.

Jusqu’en décembre 2022, j’ai résisté, mais face à une nouvelle crise de dysphorie, j’ai capitulé : j’ai entamé les démarches civiles et médicales nécessaires pour me sentir en cohérence avec mon corps. C’était vertigineux et effrayant. Honte. Culpabilité. Peur. Heureusement, je suis bien entouré par ma famille, mes amis et mes camarades de groupe de parole. Et ma nature optimiste m’aide aussi à faire face.


Fin décembre 2022, la boule au ventre, je parle à mon médecin traitant. L’accueil bienveillant que je reçois me donne beaucoup de courage pour continuer à avancer. En mars 2023, je choisis mon nouveau prénom qui devient officiel auprès de l’état civil. En juin de la même année, je reçois ma première injection de testostérone.

Puis, deux mois plus tard, je décide d’arrêter le traitement hormonal. Je ne connais pas les effets, j’ai peur que ce soit encore plus difficile après. Je n’y crois plus et surtout, je suis toujours convaincu qu’un matin je vais me réveiller, me sentir aligné avec mon corps, et que je n’aurai plus de dysphorie.

Un an plus tard, c’est le matin, je me réveille. J’ai bien dormi. Je suis apaisé. Cette année de pause m’a fait du bien. Je n’ai pas choisi cette dysphorie de genre, mais je ne veux plus la subir. Je ne veux plus faire des choix par peur. Je reprends le traitement hormonal avec joie et sourires, ils seront mes alliés face aux doutes et aux peurs. Je suis curieux et impatient de découvrir qui je vais être physiquement, curieux des changements à venir, des nouvelles interactions que je vais vivre. Impatient aussi de témoigner.
Je n’ai plus honte. Un merveilleux champ des possibles s’ouvre à moi.

Je vais être heureux et euphorique dans mon genre.

A Bayonne, l’association Les Bascos développe des actions sportives, culturelles, festives, sociales, militantes et de prévention en faveur des LGBT+ (pôle solidarité : 07 83 02 18 27)

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